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Semaine historique pour l'industrie dentaire

L'IDS 2017 au coeur de la révolution numérique du cabinet dentaire

· Industrie dentaire - Dental industrie

Récit et impressions sur l'IDS 2017

Mardi 21 mars, en route vers Cologne. La gare du Nord au petit matin.

La gare du Nord au petit matin
Arrivée encore un peu fatigué au Köln Messe

Après 3h30 de Thalys, arrivée à la grand messe: Internationale Dental Show 2017.

Le mardi de l'IDS est toujours le plus agréable car réservé aux seuls professionnels. Dès l'ouverture aux chirurgiens-dentistes et aux prothésistes, la foule est compacte est l'accès aux stands devient difficile.

Longtemps annoncée, la révolution de la prothèse CFAO au cabinet est enfin arrivée

"... et Ivoclar franchit le Rubicon"

Exactement 30 ans après la présentation du CEREC 1 par Siemens lors de l'IDS 1987, la révolution de la prothèse numérique au cabinet dentaire est désormais réalité.

Il aura donc fallu plus d'un demi-siècle pour que le pionnier allemand se fasse rattraper voire dépasser. A l'occasion de cet IDS 2017, on ne compte plus les nouveautés dans le domaine de la prothèse chair side. Les caméras de prise d'empreinte optique alternatives au CEREC de chez DentsplySirona étaient déjà très largement représentées il y a deux ans, lors de la précédente édition IDS 2015. Les sociétés 3Shape ou Carestream, voire Dental Wings et 3M, avaient présenté des produits aboutis mais la partie CAM n'était pas encore adaptée aux besoins du cabinet. Il y deux ans, soit une éternité dans cet univers, la production numérique restait l'apanage du laboratoire et l'on parlait, alors, de la nécessité d'optimiser la communication et les flux d'informations entre cabinet et laboratoire.

2017 marque une rupture. Le meilleur exemple de cette (r)évolution est incarné par l'offre présentée par le partenaire historique des laboratoires de prothèse qui franchit le Rubicon: la société Ivoclar-Vivadent. Avec son usineuse PrograMill one Ivoclar Digital, la société du Liechtenstein illustre la fin d'un monde. Désormais, c'est certain, une part importante des prothèses seront produites dans les cabinets dentaires. Cela ne signifie pas la mort de la profession de prothésiste, ni d'ailleurs la fin des laboratoires de prothèse. Pourtant, une chose est certaine, le business model de cette profession va fondamentalement changer.

Je tire mon chapeau à Ivoclar d'avoir su prendre cette décision stratégique. Quand on se souvient que Kodak a été un temps propriétaire de ce qui est aujourd'hui Carestream Dental, on se dit que le capacitisme familial a du bon. Kodak, dans son ensemble, n'existe plus. La vénérable vieille dame, née en 1923 à Schaan au Liechtenstein, fait preuve de beaucoup plus de souplesse et de sens stratégique.

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Les révolutions sortent, non d'un accident, mais de la nécessité

Victor Hugo / Les misérables

Mais la société du Liechtenstein, n'est pas la seule à proposer des nouveautés en la matière. Heraeus Kulzer qui à l'occasion de cet IDS est rebaptisé KULZER, présente également une suite CFAO complète, même si davantage à destination du laboratoire de prothèse. Ainsi, la marque ne propose pas de caméra de prise d'empreinte, mais un nouveau scanner d'empreintes appelé Cara Scan 4.0, une imprimante 3D utilisant la technologie Digital Light Projection (DLP) Cara Print 4.0 et trois usineuses Cara Mill.

Le flux numérique par KULZER

De façon plus surprenante, la société VOCO a également présenté une série de solutions CFAO dont le prototype d'une caméra de prise d'empreinte, fonctionnant au laser infra-rouge permettant de collecter des informations sous-gingivales. Deux imprimantes 3D complètent cette offre ainsi que des matériaux adaptés pour la fabrication de modèles dentaires et de gouttières, et enfin des blocs composites pour usineuse. La firme cible donc bien les praticiens.

La société VOCO nous surprend de jour en jour. Elle était un acteur mineur, il y a seulement 10 ans et peut désormais fièrement se comparer aux acteurs historiques du secteur sans rougir.

l'imprimante 3D SolFlex de VOCO
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La société DMG s'est "contentée" de lancer une gamme de produits pour imprimante 3D. Ainsi, la gamme LuxaPrint se compose de 5 résines photopolymérisables pour diverses applications: Modèle LuxaPrint pour modèles, plateau LuxaPrint pour plateaux fonctionnels individuels, LuxaPrint Cast pour objets coulés, LuxaPrint Ortho pour gabarits de perçage et LuxaPrint Ortho plus pour attelles. DMG présente aussi une gamme complète de blocs et de disques à usiner.

Compte tenu de la guerre commerciale que vont se livrer les géants de l'industrie dentaire pour imposer leurs équipements, le choix de DMG de se concentrer sur les matériaux sera peut-être le plus judicieux.

Ce choix paraît d'autant plus justifié quand l'on connait le prix auquel la société américaine de Boston, FormLab, propose ces imprimantes 3D: 3.499 US dollars. Cette imprimante est certes lente (4h30 pour imprimer 9 modèles) mais la résolution atteint 25 microns dans l'axe des z. Il semble qu'il y ait donc peu d'argent à faire dans l'équipement de fabrication par addition (hors addition de métal). https://formlabs.com/fr/industries/dentistry/

GC un autre grand qui entre dans la danse CFAO

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La société japonaise a présenté, quant à elle, une caméra de prise d'empreinte optique présentée sur un cart très bien pensé. Cette caméra, bien que très petite et ergonomique semble accuser un retard technologique par rapport au standard que sont 3shape, Carestream ou DentsplySirona. En effet, la caméra qui reste en noir & blanc, n'est prévue que pour scanner un quadrant et ne peut prendre correctement une arcade complète. Nul doute que ce produit développé en Autriche évoluera, tant GC a toujours montré sa capacité à fournir aux praticiens et aux laboratoires des produits de qualité exceptionnelle. Côté fabrication, GC semble vouloir rester sur un modèle de fabrication centralisée, et n'a pas présenté de solutions d'usinage aux cabinets ou aux laboratoires.

Un comparatif des caméras de prise d'empreinte optique

Je vous invite à lire cet excellente comparatif proposé par praticien de l'Ouest Canadien, dont vous trouverez le tableau de synthèse ci-dessous

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Quelques liens vers des vidéos des principaux scanners intra-oraux sur le marché

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Qui pour aider les praticiens à s'adapter à la révolution digitale?

Ces technologies vont améliorer le service rendu aux patients rendant cette révolution technologique de la dentisterie inéluctable. La précision des ajustages, la justesse des diagnostics, la reproductibilité, le contrôle qualité, la traçabilité vont être améliorés. En médecine, c'est tout ce qui compte, ne l'oublions jamais.

Mais qu'en est-il des coûts? C'est LA grande question à laquelle, pendant cette course à l'armement technologique, personne n'apporte de réponse cohérente. Avec un taux d'équipement de CFAO chair-side de l'ordre de 10% aux USA et de moins de 5% en Europe, ces solutions n'ont pour l'instant intéressé que les early adopters. La loi de Moore va s'appliquer dans le dentaire comme elle s'est appliquée en informatique: à performance égale les prix vont baisser de 50% au prochain IDS. Oui mais voilà, les produits ne seront plus les mêmes et les prix en Euros seront inchangés. En réalité, l'enjeu n'est pas le prix de la technologie mais de l'usage que les professionnels des soins dentaires en feront pour faire baisser le coût des actes.

Cofondateur de la société Intel, Gordon Moore avait affirmé dès 1965 que le nombre de transistors par circuit de même taille allait doubler, à prix constants, tous les ans.​

Le véritable enjeu de la CFAO n'est donc pas technologique ou même clinique, il est économique. Comment faire pour que cette révolution génère les gains de productivité que l'on peut légitimement attendre?

Les investissements et le prix des consommables de CFAO sont élevés; pourtant dans le coût d'un acte d'odontologie, c'est le temps de travail du praticien qui pèse le plus et c'est d'ailleurs bien normal. Ce n'est que lorsqu'il a les mains dans la bouche de son patient que le chirurgien-dentiste créé de la valeur. Il faut optimiser ce temps au delà de la commissure des lèvres. Pour rappel, les achats de consommables comptent pour 7% du chiffre d'affaires d'un cabinet dentaire, si l'on ajoute l'amortissement des matériels et les factures de prothèses la part des frais de fonctionnement monte à 20%. Les soins dentaires dégagent donc une marge brute comptable de l'ordre de 80%. Donc, même si le prix de revient matière devait augmenter, si le nombre de patients traités à l'heure augmente, le coût des soins dentaires diminueraient. La majorité des produits dentaires mise sur le marché dentaire depuis 20 ans a eu pour objet principal l'amélioration de la qualité des soins: de meilleurs adhésifs, des composites plus esthétiques, des images radiologiques plus grandes et plus fines.

L'intégration d'une chaîne de CFAO au cabinet va nécessiter une réorganisation de l'organisation des cabinets dentaires. Le coût total du plateau technique oblige déjà aujourd'hui et plus encore demain à un regroupement des praticiens dans des structures de mutualisation des investissements.

Ce regroupement va créer le besoin pour de nouveaux types de personnel. En plus des fonctions d'accueil, d'assistance opératoire ou de secrétariat, il faudra qu'une personne soit dédiée au suivi des réalisations prothétiques numériques (usinage, impression 3D, design, ..), des prothésistes seront des profils idéaux pour ces postes. Par ailleurs, il faudra certainement, dans des grosses structures, des managers qualifiés auxquels les associés de la structure dentaire auront délégué la gestion administrative, financière et du personnel. Un parallèle peut être fait avec les gros cabinets d'avocats qui ont créé ce type de fonction qu'ils confient à des managers expérimentés souvent non avocats eux-mêmes.

Les cliniciens doivent réaliser que leur temps est le bien de plus précieux qui soit. Ils doivent déléguer un maximum de tâches non-cliniques et se concentrer sur leur véritable valeur ajoutée qui est le temps de travail en bouche.

Mais qui va pouvoir accompagner les praticiens dans cette démarche? Les coachs qui se partagent le marché de l'accompagnement du cabinet peuvent certainement aider mais ils sont peu nombreux et pas toujours au fait des technologies qui bouleversent la dentisterie. Une chose est certaine, les commerciaux des différents réseaux de ventes ne sont absolument au niveau pour coacher les praticiens dans ces démarches complexes. Cette situation sera, selon moi, le frein principal dans la démocratisation de ces technologies qui ont pourtant le potentiel de rendre les soins dentaires plus sûrs, plus pérennes, plus reproductibles (et donc plus assurables), plus économiques, le tout en améliorant le service rendu au patient par les délais de réalisation raccourcis.